Renforcement de la sécurité semencière grâce à des évaluations efficaces

21 Oct 2024. Wasat Al Gedaref locality, Gedaref, Sudan. Amal Hussein, a farmer from Gedaref, gently inspects her sorghum crop, filled with hope and pride as she looks forward to a successful harvest.
Amal Hussein, agricultrice à Gedaref, Soudan, vérifie sa récolte de sorgho. ©FAO/Mahmoud Shamrouk

Par Shawn McGuire, fonctionnaire agricole à la sécurité des semences (FAO)

Lorsque des communautés sont touchées par des crises – qu’elles soient causées par des catastrophes naturelles, des conflits ou des stress chroniques – il est vital de garantir leur accès à des semences pour la production alimentaire en vue de leur relèvement et de leur résilience. Les études sur la sécurité semencière (ESS) sont essentielles pour donner corps à des interventions efficaces dans le domaine des semences.

L’aide aux semences, longtemps considérée comme un moyen rentable d’aider les agriculteurs à se relever après une catastrophe, a été un pilier de la réponse humanitaire pendant des décennies. Les distributions de semences à grande échelle sont courantes – par exemple, la FAO a récemment ciblé 1,2 million de ménages au Soudan, dont 520.000 ont déjà été approvisionnés. Cependant, la conception de beaucoup d’activités d’aide aux semences s’appuie principalement sur des données relatives à l’insécurité alimentaire. Une étude mondiale de la FAO a révélé que 90 % des interventions d’aide aux semences entre 2005 et 2015 n’étaient pas fondées sur des évaluations sur mesure et spécifiques aux semences.

Le mode dominant d’aide aux semences est la distribution de semences en nature. Toutefois, le recours à une approche générique ne tient pas compte de la complexité des systèmes semenciers locaux et de la diversité des besoins des agriculteurs. La sécurité semencière n’est pas la même chose que la sécurité alimentaire : elle nécessite de comprendre la dynamique spécifique en matière de disponibilité, d’accès et de qualité des semences que connaissent les agriculteurs et les communautés. Les ESS offrent une approche nuancée, fondée sur des données probantes, qui examinent la dynamique unique des systèmes semenciers dans des régions spécifiques[1]. Par exemple, il se peut que les semences soient encore disponibles après une crise, mais que la principale contrainte à laquelle se heurtent les agriculteurs soit plutôt le manque de moyens financiers ou autres pour y accéder. Dans de telles situations, les distributions de semences en nature ne permettent pas de s’attaquer à la principale contrainte, qui sera mieux traitée par des approches en espèces ou sous forme de bons d’achat. Pire encore, la distribution en nature peut engendrer des dommages indirects aux marchés locaux des semences, et avoir des répercussions à plus long terme.

Depuis 2010, des ESS ont été menées dans plus de 25 pays par différentes agences, en utilisant un cadre qui prend en compte les besoins des groupes vulnérables, tels que les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les ménages dirigés par des femmes. Ces études fournissent une analyse détaillée des différents systèmes de semences – tant formels qu’informels – dont dépendent les agriculteurs. Elles examinent les contraintes spécifiques auxquelles sont confrontés les agriculteurs pour accéder aux semences et évaluent l’impact que des stress aigus et chroniques, tels que les sécheresses ou les perturbations du marché, exercent sur la sécurité semencière. Grâce à ces données, des réponses à court terme et des stratégies à plus long terme peuvent être élaborées et adaptées pour renforcer la résilience des communautés agricoles.

Des outils, tels que le Guide du praticien et les Études sur la sécurité du système semencier (SSSA)[2], proposent des approches structurées pour réaliser des ESS. Les normes SEADS mettent également l’accent sur les ESS en tant qu’étape préalable essentielle pour orienter la manière dont l’aide est fournie, et l’importance des décisions fondées sur des données dans les efforts humanitaires est de plus en plus reconnue. Malgré cela, les ESS restent trop rares.

Les défis que soulève le renforcement des capacités en matière d’ESS

La conduite d’une ESS est une tâche complexe, qui nécessite non seulement des connaissances techniques sur les systèmes de semences formels et informels, mais aussi des compétences en matière de facilitation et d’analyse des données ainsi que la capacité de traduire les résultats en recommandations exploitables. La pénurie d’experts disposant des compétences et de l’expérience pratique nécessaires constitue un obstacle majeur à une utilisation généralisée des ESS et il est urgent de renforcer les capacités dans ce domaine grâce à des efforts de formation ciblés. Ces efforts sont particulièrement importants dans des régions telles que le Yémen et l’Afghanistan, où le manque de personnel qualifié limite l’efficacité et la fréquence des évaluations semencières.

Des complexités institutionnelles et financières pèsent aussi sur les ESS. Par exemple, certains donateurs exigent des ESS comme condition de financement afin de garantir que les interventions semencières s’appuient sur des preuves solides, alors que d’autres ne le font pas. Cela peut entraîner des incohérences dans la manière dont les évaluations sont financées et réalisées, ainsi que dans leur calendrier. En outre, le financement d’urgence à court terme tend à éclipser le besoin de stratégies de développement à plus long terme, qui sont pourtant essentielles pour un relèvement agricole durable.

Assurer l’avenir de la sécurité semencière

Il est essentiel de renforcer les capacités de réalisation d’ESS et des efforts sont en cours pour combler les lacunes existantes. Par exemple, les projets de renforcement des capacités, soutenus par des organisations telles que le Bureau d’aide humanitaire de l’USAID, visent à augmenter le nombre d’experts en ESS. Ces initiatives encouragent également la collaboration entre les agences pour réaliser des études et veiller à ce que les résultats soient appliqués au niveau national, ce qui donne lieu à des interventions mieux ciblées et plus efficaces.

Le renforcement des capacités ne devrait pas se limiter à la formation d’un plus grand nombre de spécialistes, mais devrait également porter sur l’intégration d’approches fondées sur des données et des éléments probants relatifs à d’autres questions contextuelles, telles que l’analyse des conflits, dans la réponse humanitaire au sens large. Grâce à des plateformes telles que le Groupe mondial de la sécurité alimentaire (gFSC), la FAO et d’autres ONG s’efforcent d’améliorer la coordination, de renforcer la communication et d’accroître l’utilisation des ESS dans les régions touchées par des crises. Pour le groupe de travail sur l’agriculture du gFSC, le renforcement des capacités en matière d’ESS implique d’accroître les capacités à mener des évaluations dans plusieurs pays, à formuler des recommandations exploitables et fondées sur des données probantes, et à partager ces conclusions avec toutes les parties prenantes. C’est ainsi que nous construirons des systèmes de semences résilients, capables de résister à la fois aux chocs à court terme et aux défis à long terme.

L’utilisation des ESS doit être plus répandue afin d’orienter une aide aux semences efficace, et l’accroissement du nombre d’experts pour diriger les ESS peut y contribuer. Toutefois, nous devons également plaider en faveur d’une vision commune entre gouvernements, bailleurs de fonds et organisations humanitaires, en veillant à ce que les ESS soient systématiquement considérées comme prioritaires dans le cadre des efforts d’aide immédiate, mais aussi des efforts de renforcement de la résilience à long terme. En outre, ces acteurs doivent être plus directement impliqués dans les ESS et participer à leur réalisation, à l’examen des conclusions et à la discussion des recommandations.

Alors que nous continuons à promouvoir l’utilisation des ESS et à développer les capacités pour les réaliser, nous devons veiller à ce que l’aide aux semences reste fondée sur des données et axée sur la résilience et le relèvement à long terme. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons véritablement assurer l’avenir de la sécurité semencière dans les régions touchées par des crises.

[1] Parmi les 10 principes directeurs pour une bonne assistance aux semences, le premier consiste à « réaliser une évaluation spécifique des semences ».

[2] Les études réalisées par SeedSystem sont appelées Évaluation de la sécurité des systèmes de semences (ESSS). Par souci de simplicité, nous utiliserons le sigle ESS pour désigner les deux types d’évaluations, qui utilisent des méthodes très similaires.

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