Renforcer la réponse aux crises en Haïti grâce à SEADS

Haïti, pays connu pour sa résilience, a été confronté à maintes situations d’urgence ces dernières années, qu’il s’agisse de tremblements de terre ou d’ouragans. Ludger Jean Simon, agronome principal à l’université américaine des Caraïbes (AUC), estime que l’adoption généralisée des normes SEADS (Normes pour l’appui aux moyens d’existence en rapport avec les cultures dans les situations d’urgence) pourrait grandement améliorer la réponse d’Haïti en cas de crise, en particulier dans le secteur agricole.

Two palm trees, one damaged by natural disaster
Au cours de la dernière décennie, Haïti a subi deux ouragans et un tremblement de terre majeur, ce qui a entraîné des pertes considérables dans l’agriculture et les infrastructures. ©Ludger Jean Simon/Catholic Relief Services

Une décennie de catastrophes : lutte permanente pour aider Haïti à se relever

Haïti a subi trois crises majeures au cours de la décennie écoulée. En janvier 2010, un tremblement de terre dévastateur de magnitude 7 a frappé, faisant plus de 200.000 victimes et déplaçant plus d’un million de personnes. « Le total des pertes et des dommages a été estimé entre 7 et 14 milliards de dollars américains », précise Ludger. Cette catastrophe a eu un effet durable sur les infrastructures, l’économie et la population du pays.

En octobre 2016, l’ouragan Matthew, une tempête de catégorie 4, a ravagé la région sud du pays, causant 2,8 milliards de dollars de dégâts et tuant quelque 700 personnes. Le secteur agricole, alors particulièrement vulnérable en pleine saison des moissons, a subi des pertes massives de récoltes et d’infrastructures. Cet ouragan, le plus puissant à frapper le pays en un demi-siècle, a aggravé la vulnérabilité d’Haïti.

Un autre tremblement de terre majeur a eu lieu en août 2021, causant 1,6 milliard de dollars de dégâts et environ 1.500 morts. La tempête a dévasté les zones rurales, détruisant les habitations, les infrastructures et les terres agricoles, et les glissements de terrain ont encore aggravé les dégâts.

SEADS : Un schéma directeur pour une réponse aux crises plus efficace

Pour renforcer la réponse d’Haïti à la crise agricole, Ludger souligne le potentiel des normes SEADS. SEADS promeut une approche pilotée par la communauté qui fait en sorte que les interventions d’urgence sont bien coordonnées et adaptées aux besoins locaux.

« Les normes SEADS peuvent être utilisées efficacement si nous impliquons différentes institutions, y compris les organisations humanitaires, les organismes gouvernementaux, le secteur privé et la société civile », souligne Ludger. Grâce à une collaboration intersectorielle, SEADS peut orienter la conception des programmes et les approches participatives, et garantir leur conformité avec les normes minimales. Une telle coopération est essentielle pour une mise en œuvre efficace du programme, dès sa conception et jusqu’à son évaluation.

Ludger met l’accent sur deux méthodes clés de SEADS qui seraient très utiles en Haïti : une meilleure identification des crises et la mesure de l’impact. SEADS fournit des lignes directrices claires pour déterminer à quel moment s’impose une réponse agricole et comment classer les interventions par ordre de priorité en fonction des besoins spécifiques de la communauté. L’un des principaux défis auxquels sont confrontés les programmes d’urgence, note-t-il, réside dans l’évaluation précise de leur impact. Toutefois, SEADS propose des outils de suivi et d’évaluation (S&E), qui aident les organisations humanitaires à évaluer leurs interventions et à y apporter des améliorations fondées sur des données. « SEADS offre d’excellents outils pour le S&E, qui sont essentiels pour garantir que les programmes humanitaires répondent efficacement aux besoins de la population », affirme Ludger.

Wooded area with trees damaged by hurricane
En octobre 2016, l’ouragan Matthew a ravagé la région sud d’Haïti. ©Ludger Jean Simon/Catholic Relief Services

Libérer la puissance de SEADS : deux voies vers le succès

Pour accroître l’adoption de SEADS en Haïti, Ludger met en avant deux stratégies clés :

  1. La diffusion du manuel SEADS – Le manuel SEADS est une ressource cruciale pour sensibiliser les institutions locales à ces normes et pour qu’elles les assimilent. Le partage du manuel avec les organisations humanitaires, les organismes gouvernementaux et les agences de protection civile permettra d’élargir la portée de SEADS. La diffusion par le biais de plateformes numériques, telles que WhatsApp et les réseaux de messagerie, fera en sorte que les professionnels du secteur agricole haïtien puissent y accéder facilement.
  2. Proposer une formation – La formation du personnel clé dans des institutions telles que le ministère de l’Agriculture et les comités de protection civile est essentielle pour promouvoir l’adoption des normes SEADS. En dotant les fonctionnaires et les travailleurs humanitaires d’une connaissance du manuel SEADS, on leur permettra de mettre en œuvre ces normes de manière efficace, en améliorant la réponse globale du pays face aux crises.

Pour que SEADS réussisse, Ludger souligne que les partenaires de mise en œuvre doivent s’engager à incorporer ses principes dans leurs programmes. La formation continue et le renforcement des capacités du personnel gouvernemental et humanitaire revêtent une importance capitale pour une adoption généralisée. « Un soutien est requis sous la forme d’un engagement institutionnel en faveur des principes de SEADS et d’une formation du personnel pour garantir l’adoption et la mise en œuvre efficaces des lignes directrices », insiste M. Ludger.

L’adhésion des dirigeants est également cruciale. Si les dirigeants reconnaissent la valeur de SEADS et s’engagent à intégrer ses lignes directrices, les normes auront beaucoup plus de chances de devenir un élément permanent du système d’intervention d’urgence en Haïti. La formation des concepteurs et des chargés de programmes aux normes SEADS favorisera des interventions plus solides, fondées sur des données probantes et ayant un impact durable sur les communautés.

La version française : Un atout qui change la donne pour l’adoption locale

La traduction en français du manuel SEADS marque une étape importante dans l’élargissement de son accessibilité en Haïti. Le français étant la langue dominante dans l’éducation formelle et les secteurs industriels du pays, cette traduction permet à un plus grand nombre de professionnels de l’agriculture et de l’humanitaire de se mobiliser en faveur des principes de SEADS. « La disponibilité du manuel SEADS en français facilitera grandement sa mise en œuvre en Haïti. Cette traduction rendra les lignes directrices plus accessibles et favorisera leur adoption par les professionnels et les organisations du pays », note Ludger.

Un avenir plus résilient grâce à SEADS

Alors qu’Haïti continue de faire face à des situations d’urgence d’origine naturelle ou humaine, la mise en œuvre des normes SEADS par le gouvernement et les organisations humanitaires offre une voie prometteuse pour améliorer la réponse aux crises. En promouvant une programmation pilotée par la communauté, des approches participatives et une meilleure coordination entre parties prenantes, SEADS peut aider Haïti à se relever plus rapidement après une catastrophe et à renforcer sa résilience à venir. Avec la version française du manuel SEADS désormais disponible et les efforts continus pour former des professionnels locaux, Haïti est désormais prêt à faire des progrès significatifs dans sa réponse agricole aux situations d’urgence, en protégeant mieux ses communautés en temps de crise.

Remarque : Un webinaire sera organisé le 24 octobre pour lancer le manuel SEADS en français et fournir d’autres exemples de l’institutionnalisation de SEADS. Cliquez ici pour vous y inscrire.

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